À Chamalot–Résidence d’artistes, Benoît Géhanne a pour projet de réaliser une série de pièces – peintures, dessins, volumes – autour des barrages hydrauliques enchâssés dans les gorges de la Dordogne. Il documente ce motif du barrage par des prises de vue comme par l’exploration d’archives, afin d’en extraire des processus de concrétisations et de déterminations formelles.
Ce travail est nourri par les écrits de Georges Simondon relatifs à la notion d’objet technique : ce philosophe appelle objets techniques des objets au design « pauvre », où la forme suit la fonction. Cette économie de la forme que théorise Simondon est en résonance avec les recherches plastiques de Benoît Géhanne, lesquelles montrent une attention particulière portée aux caractéristiques techniques des matériaux, à leur logique fonctionnelle.
Benoît Géhanne trouve aussi dans la pensée de Simondon des préoccupations proprement picturales : lorsque le philosophe dit que l’objet technique est beau lorsqu’il rencontre un fond qui lui convient, dont il peut être la figure propre, l’argument rappelle à l’artiste d’autres théories de la peinture, celle-là qui se joue dans un rapport fond/forme. Pour Benoît Géhanne, le barrage sis dans le paysage évoque un tableau – une composition placée dans un cadre, une surface picturale interdépendante de son support, qui vient jouer avec ses bords.
En définitive c’est autant l’objet barrage lui-même, comme forme technique et architecturale, que sa propension à révéler le paysage dans lequel il s’insert qui intéresse Benoît Géhanne. Dans son travail, le barrage est tout à la fois cet objet architectural qui, littéralement, fait barrage, qui empêche la circulation, qui interrompt le paysage et fait écran, et en même temps cet élément qui souligne le milieu naturel, qui génère des points de vue, canalise et engendre des flux.
Si Benoît Géhanne travaille à partir de la figure du barrage, c’est pour dire tous ces autres champs connexes que cet objet technique indexe : tous les changements historiques, géopolitiques, économiques, sociaux et environnementaux que l’exploitation d’un barrage implique quant au territoire.
Né en 1973, Benoît Géhanne vit et travaille à Saint-Denis.